Un des poncifs les plus courants dans le domaine de la gestion de crise porte sur la notion d’apprentissage. Il conviendrait d’apprendre des crises traversées. Comme si les mécanismes de salience -c’est-à-dire d’émergence-, puis de développement de la crise, pouvaient être disséqués et les liens de causalités définitivement et clairement établis.
L’erreur la plus commune dans le processus d’apprentissage tient dans le glissement sémantique rapide et souvent implicite qui associe l’origine de la crise à une erreur -on cherche les « fautes originelles » ! Ce simplisme peut se révéler prohibitif pour la compréhension et contre-productif en termes d’enseignement. Il enferme les événements dans une logique aristotélicienne très occidentale d’opposition entre règle et faute, vérité et mensonge, bien et mal, juste et délictueux. La crise ne serait en quelque sorte que l’aboutissement d’un égarement, une sortie de route sur un tracé pourtant balisé, un dysfonctionnement dans un processus normé, vertueux.
Hélas, la réalité est souvent complexe, et le processus qui mène à la crise souvent plus obscure que ce que la recension des médias ou les analyses post-mortem des consultants bien-pensants veulent révéler… Traverser des événements difficiles, pour une entreprise comme pour un individu, c’est généralement se trouver confronté à une complexité du réel qui dépasse les oppositions binaires et réductrices. Le regard rétrospectif cherche à reconstituer les enchainements, mais il en élimine souvent les errements et les approximations. Il trie, catégorise, simplifie, et ce faisant, il s’éloigne de son objectif -l’apprentissage. Pour le philosophe Edgard Morin, gérer la complexité, ce n’est pas chercher à la simplifier, mais l’appréhender telle qu’elle est.
En réalité, les gestionnaires de crise n’ont besoin ni d’apprentissage ni de leçons, mais de repères et de résilience. Comme me le suggérait plus prosaïquement un ami pécheur : « Lors d’une tempête en bateau, savoir repérer les balises est plus utile que se demander pourquoi on est sorti… ». Les repères se puisent dans l’action, le tâtonnement, l’expérimentation, le droit à l’erreur. Ils se trouvent dans les errements de la vie et non pas dans le rappel bien-pensant d’une règle appliquée a posteriori.
Toute crise se développe dans une dynamique empirique complexe. Bienheureux celui qui n’y voit qu’un chemin droit.
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